• Ah, l'École...ça, ça fait causer...

    Ah, l'École...ça, ça fait causer...

    Surtout ceux qui n'y vont pas et ceux qui ne la font pas...

    C'est ce que je me suis dit en lisant l'article vomitif du Point... Rien que le titre... Qui sont les assassins de l'école? : Comment peut-on se permettre cela quand on se prétend journaliste ?

    Allez, je vous raconte une version "live"...

    J'enseigne depuis 34 ans maintenant, j'ai donc vécu professionnellement toutes les réformes de ces prétendus assassins de l'école.

    C'est vrai qu'il y en a eu un grand nombre ( pas des assassins, hein, des réformes ) mais, si on y réfléchit, la recherche en pédagogie et neurosciences a, en gros, une cinquantaine d'années. C'est donc un tantinet normal qu'on en tienne compte, non? Bon.

    Il y a eu quelques couacs, on en est tous conscients, la méthode globale n'était pas une panacée.

    Mais quel crétin à l'heure actuelle peut affirmer qu'un professeur de CP apprend encore à lire à ses élèves avec cette méthode ?

    J'ai fait 27 ans de remplacement (par choix personnel, hein, pas parce que je n'avais pas le niveau comme on l'entend trop souvent, pour "preuve" je suis excellemment bien notée par ma hiérarchie... Si, si ! ) et ces 27 ans me donne à mon humble avis, autant de légitimité pour parler de ce qui se passe dans les écoles que Claude Barjon ou Violaine de Montclos. Et je peux vous affirmer qu'en 27 ans, je n'ai jamais vu aucun instituteur appliquer cette méthode uniquement.

    J'enseigne désormais en CP depuis 7 ans. J'apprends donc à lire à mes petits élèves avec une méthode qui est le résultat de toute l'expérience professionnelle acquise au fil du temps, des réflexions sur ma pratique, de ce que me proposaient les chercheurs qui me convenait ou pas, (ah, oui, j'ai oublié de vous dire, j'ai été livrée avec un cerveau...), de l'échange avec mes nombreux collègues, jeunes ou moins jeunes, hussards noirs ou pas. Ma "méthode" qui est différente de celle de chacun de mes milliers de collègues, se compose (à la louche !) de 3 % de globale, ben, faut bien commencer avec un peu de matériel pour pouvoir analyser, 47 % de syllabique, décodage et encodage et 50 % de compréhension. Et ces estimations évoluent selon la période de l'année et le public que j'ai en face de moi!

    Essayez donc de lire "c'est" ou "dans" et de les écrire, si vous ne les avez pas appris au début, globalement ou "phylloxéra" si vous n'avez pas décodé en syllabique.... Lire et écrire sont des missions un peu plus complexes qu'une simple association de lettres ou de sons.

    Dans cet article de magazine, la journaliste s'appuyant sur le livre de Claude Barjon, fait de quelques penseurs les responsables, les assassins de l'École (c'est violent, non?) de la crise scolaire et du niveau soi-disant bien plus bas qu'auparavant....

    Je viens de lire cette étude: 

    http://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2016/09/25/non-le-niveau-en-lecture-et-en-ecriture-na-pas-baisse-depuis-12-ans-dit-une-etude-passee-inapercue.html

    et ce qu'on nous dit dans l'étude du CEDRE, c'est que le niveau en français dans les quartiers "difficiles" serait en augmentation. Ah!

    Si on a un peu de jugeote, on se rend bien compte que l'article du Point est tellement partial que c'en est ridicule. Tout dépend des sources et de son niveau d'objectivité ou/et du message que l'on veut délivrer.

    Cela voudrait donc dire que notre école est une espèce de microcosme sans interactions avec la société qui la génère... Curieux prédicat que celui-là ! C'est un peu oublier toutes les décisions politico-économiques qui depuis une vingtaine d'années ont laminé l'École. Réduction de personnel (65000 postes en moins sous le règne Sarkosy), démantèlement des réseaux d'aide (sous Sarkozy encore), augmentation des effectifs des classes, jusqu'à 30 % de plus que chez nos voisins suisses ou des pays nordiques, massacre de la formation initiale et continue des professeurs, augmentation de la précarité et de la détresse sociale... Bref, nos chercheurs ont-ils vraiment l'entière responsabilité du niveau de nos élèves ? Ces quelques hommes et femmes, non décisionnaires pour la plupart, ont-ils vraiment tué notre école ?

    Que dire aussi de cette chasse aux sorcières permanente qui fait de l'école et de ses acteurs l'exutoire à toutes les difficultés sociales...

    Depuis une quarantaine d'années, les valeurs qui faisaient la cohésion sociale se sont trouvées modifiées. Le chômage, la difficulté de vivre ont exacerbé des envies de temps meilleurs, des aspirations illusoires, faisant du superficiel et du "bling bling" le mode de pensée référent. Le clinquant, le facilement accessible, le tout sans effort est à l'ordre du jour, souvenez-vous de la Rolex  de J. Segalla. L'argent et le pouvoir comme seuls buts ou aspirations à vivre.

    Or l'École n'est pas faite que de chercheurs ou de professeurs, c'est aussi une masse d'enfants et de parents, d'élus, de partenaires sociaux. Il me semble bien aussi que les choix de politique, sociale, scolaire se font dans les urnes, notre école est le résultat du choix de la majorité des citoyens. 

    Pourquoi certains se dédouanent-ils aussi facilement?

    Bref, vous l'aurez sûrement compris, cette attaque virulente, nauséabonde à l'encontre de ces quelques personnes qui font leur travail avec sincérité depuis quelques décennies, ne me plaît pas. Non pas que je cautionne tous leurs écrits, mais je n'apprécie pas que l'on emploie des méthodes moyenâgeuses, extrémistes pour déchaîner la vindicte populaire. Vouloir un enseignement comme dans les années 60 est une aberration intellectuelle qui met de côté les différentes évolutions et transformations de la société. Qui pourrait désirer ou souhaiter revenir à un monde sans ordinateur ou médias? Qui pourrait ou voudrait ne pas tenir compte de la mondialisation?

    Cet article du Point est une malhonnêteté intellectuelle.

    L'École n'a pas besoin de cela. 

    Comme certain(e)s de mes collègues, j'apporte mon soutien moral et professionnel à ces hommes et ces femmes qui ont eu le courage de faire avancer et évoluer l'école. Les "assassins de l'École" sont-ils vraiment ceux que l'on stigmatise ?

    Dans les années 80, il y avait le mouvement Touche pas à mon Pote, là, je voudrais dire :

    Touche pas à mon école... 

    Voici également quelques portraits vrais ou fictifs de ce que sont les serviteurs de l'École...

     

    Ah, l'École...ça, ça fait causer...

     

     

     

     

    Ah, l'École...ça, ça fait causer...

     

     

    Ah, l'École...ça, ça fait causer...

     

    Ah, l'École...ça, ça fait causer...

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  • Commentaires

    1
    Samedi 15 Octobre 2016 à 17:56

    Chouette "roman fleuve" cool (Domrod, tu comprends ma touche d'humour) !

    2
    gragnotte
    Samedi 15 Octobre 2016 à 19:18

    Merci pour ce "coup de gueule". J'avais lu cet article et j'étais tout autant en colère. Les blogs sont aussi un lieu pour réagir. Alors, merci au nom des non blogueurs. Merci aussi pour tout ton travail partagé si généreusement.

    3
    Supermaitre
    Samedi 15 Octobre 2016 à 20:40

    Superbe texte ! Merci à toi ...

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    4
    Samedi 15 Octobre 2016 à 21:58

    Ton texte, je l'aime, l'aime, l'aime !

    Bises Dom !

    5
    Dimanche 16 Octobre 2016 à 00:01

    Bravo pour ce texte, il est juste.... parfait !

    6
    Dimanche 16 Octobre 2016 à 11:26

    J'aime beaucoup ton article, Dom... et ton cerveau !! 

    7
    Dimanche 16 Octobre 2016 à 21:42

    Que c'est bien dit ! 

    Je vais mettre un lien vers ton article.

    Comment faire bouger l'école ? 

    Nous vivons dans une époque différente, nos élèves sont différents.

    J'attaque le CP avec un peu de globale, puis la syllabique ainsi que la compréhension !

    Bravo chère collègue !

    cool

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